Un ange de neige. { RESERVED VEGA.

Oka-San va mourir, tu comprends ? Regarde cette neige qui tombe, c'est la dernière fois qu'elle le voit. Mais ce n'est pas notre cas, d'accord ? Non, non, ne pleure pas, tu verras bien des flocons, nous serons toujours ensemble. Tu comprends Miki ? Je ne te laisserai jamais seule, je serais toujours là...

Kirino Satoshi. 26 Décembre 2007.

Allongé au milieu même de la cour, Sharo rit silencieusement. Cela fait presque un hiver qu'elle attends de recevoir un flocon dans le creux de sa main et de celle de son frère. Elle est patiente, cela ne la dérangerait en aucun point d'attendre un peu. Mais attendre pour quoi ? Aujourd'hui, il l'avait oublié, s'était réfugié dans son petit monde à impressions, où tout était rose. Il vivait sereinement avec son meilleur ami tandis que la jeune fille devenait folle, partagée entre ses regrets et ses haines. Mais c'est comme ça, cela ne fait il pas parti de la vie ? Ce lot de déceptions et de déchaînements.
Agitant les bras et les jambes, elle tenta de faire un ange dans l'air, à défaut de la neige. La chaleur n'était pas accablante et les brises étaient nombreuses pour changer l'atmosphère, bien heureusement. Humant l'air à pleins poumons, la jeune fille se releva alors, prenant soin de revêtir sur sa tête sa capuche rouge. " The Little Riding Hood ". Le petit chaperon rouge qui va se faire dévorer par le loup, voilà à quoi elle ressemblait à l'instant. A un morceau d'innocence, de naïveté au milieu de la cour. Et si les rôles se retrouvaient inversés ? Sato, tu te retrouves à la place de la fillette. Toujours gâtée par la vie, tant par sa beauté que son charisme. Je serais alors le vieux loup, tu sais, celui que tout le monde renie. Monde d'apparences, rempli de préjugés...
Un petit sourire furtif ébranla son visage à cette pensée. Puis la morosité retomba et un masque de lassitude s'empara de ses expressions. Personne. Depuis le matin même où elle s'était planté devant la cours, personne n'était rentré et personne n'avait tenté de sortir. Mais ce n'était pas seulement l'entrée que la demoiselle surveillait, c'était aussi le passage entre le pensionnat et le self. A midi une horde d'occupants s'étaient rués là bas et la chance d'y voir son frère avait été réduite au néant. Certes, elle n'avait pas mangé. Mais qu'il y'a t'il de plus agréable que la faim torturant votre ventre ? Délicatement. Tout de manière, elle avait tout son temps, toute la vie même, son but ne se terminerait jamais. Aucune intention de tuer Satoshi, loin de là, nous étions dans un monde civilisé tout de même, et un peu de logique ne faisait de mal à personne. Non, si elle était venue ici, c'était pour uniquement le faire souffrir, qu'il comprenne à en devenir fou. Que toutes les raisons du monde lui saute aux yeux, lui crèvent et que la douleur s'épanouisse en lui. S'il pouvait être éternel, cela irait à ravir pour Sharo. Il suffirait de lui faire mal et qu'il fasse de cet enfer, sa vie.
La jeune fille était devenue obsédé par cette affaire et elle tenta vainement de repousser ce but, il allait s'accomplir mais le temps était de se changer les idées. Au moins pour quelques jours, un peu de repos ne sera pas de refus. Sans que rien ne l'influence, elle se mit à regarder ses mains, ses doigts. Ils étaient fins, forts et se pliaient à la perfection individuellement. Cela pouvait paraître banal, mais c'était des mains d'artistes qui avaient parcouru de nombreuses touches, variant sur l'intensité pour ressentir plus ou moins la gravité du morceau. Soudain, elle se mit à jouer dans le vide. Ses doigts bougeaient rapidement, la mélodie, elle la connaissait par coeur. Le majeur droit sur un sol, la main gauche effectuant un accord de si mineur. Un fa bémol venait parfaire le tout. Concentré, elle finit par s'asseoir et jouer par terre, tapant ses doigts contre le sol. Il fallait que cela soit plus profond, plus magistral. S'abîmant la peau, c'était presque à vif et ce ne fut qu'une crampe qui vint stopper ses mouvements. La musique. C'était la seule chose qui l'avait soutenue pendant ces temps durs. Il suffisait de créer, de transmettre de l'émotion. Non par les mots, ni par les gestes. Elégamment, tout simplement. Sharo sentit des larmes couler. Depuis combien de temps n'avait elle pas poser ses doigts sur un piano ? Depuis combien de temps les notes n'avaient pas envahi son âme au point de lui saisir le coeur ? C'était presque douloureux d'avoir retenu tout son talent en elle-même, de ne pas avoir exprimé ses doutes et ses craintes par la musique. Un échappatoire ? C'était probablement le mot qui venait à l'esprit de la demoiselle quand on parlait de musique. C'est dommage de savoir qu'une virtuose associe sa passion à un purgatoire, tant de détresses cachés par quelques notes, cela n'arrange rien. Mais il n'y avait pas d'autres moyens, ce qu'elle cachait devait le rester. Certes, c'était un mensonge, au monde entier et à elle-même. Les personnes qui protègent un mensonge de ce genre sont rongés par la folie, petit à petit. Ils s'en veulent et leur âme se consume, ils commencent par un mensonge et leur vie en devient un. Tout ce qu'ils espèrent, c'est que quelqu'un le découvre, avant qu'ils ne soient... Détruits. Mais avant d'arriver à ce stade, elle avait de la marge. Sans aucun soucis, puis ce n'était pas quelqu'un de faible psychologiquement. Si c'était le cas, elle ne serait pas là. Non, elle serait morte et enterrée. Point final.
En plein débat avec son for intérieur, et se promettant de rejouer du piano rapidement, la jeune fille ne remarqua pas le point mouvant dans son champ de vision. Elle n'avait pas remarqué que celui-ci approchait. Son esprit tilta quelques secondes plus tard et fut à vif, prêt à réagir à la moindre attention. Une forme noire se dessinait peu à peu, comme une ombre avec des taches blanches. Sharo se releva une seconde fois, mit de l'ordre dans ses vêtements en les époussetant rapidement, elle leva sa capuche doucement, pour mieux voir de quoi il s'agissait. Un homme, peut-être la trentaine. Et il n'était pas japonais. Curieuse au plus au point, la jeune fille trépignait presque sur pieds d'avoir de la compagnie, n'importe laquelle était la bienvenue. Quand l'étranger s'arrêta au portail, elle mit ses mains en porte-voix, et lança, joyeusement et naïvement.

" Vous savez, je ne suis pas dangereuse ! Je n'ai même pas tué, juste abîmé ! "

Dans la logique des choses, Sharo apparaissait pour une enfant de bas âge et à la capacité intellectuelle réduite pour avoir crié ce pour quoi elle était ici à travers la cour. C'était exactement ce qu'elle voulait, rien ne servait d'alerté les occupants sur ses intentions, surtout dans la mesure où elles n'étaient pas saines et nuisaient au bon développement du pensionnat. Un grand sourire traversait le visage de la demoiselle quand elle se présenta vers l'homme en trottinant. Elle s'arrêta devant lui, brusquement. Une expression neutre l'envahit, seulement quelques secondes puis elle se jeta dans les bras de l'inconnu.

" Enchanté ! "

Certes, ils ne s'étaient même pas présenté. La demoiselle se retira et nota directement qu'aucune odeur ne venait parfumer l'homme. Généralement, soit un parfum soit celui d'un autre hantait la majorité de la population. C'était certainement une personne soigné, très délicate. L'étreinte précédente avait du surprendre l'inconnu, peut-être le... Troubler ? Parfait.

15 heure 30 au réveil. Véga n’avait jamais aimé les réveils. Des boîtes, pour la plupart, qui produisaient un bruit tout bonnement insupportable… Le sien était… Moche. Rectangulaire, d’un bleu malsain, qui ne savait pas dire grand chose à part « bip ».

- Fuck it !

CracBoumAaaaaarg fit le réveil en explosant contre le mur. Non, décidemment, Véga n’aimait pas les réveils. Et encore moins ceux qui étaient atteints de disfonctionnement. C’était une chose d’endurer les sons criards d’un de ces… Appareils, à une heure décente, ou tout du moins celle à laquelle on lui avait demandé de lâcher son cris destructeur de sommeil, l’entendre s’égosiller EN DEHORS de ces heures précises en était une autre. Et la tolérance de l’avocat avait ses limites. Aussi supposait il qu’un réveil qui ne sonne pas à la bonne heure ne sert à rien.

- Quinze heure trente ? … Bran de pute…

Il inspecta vaguement les papiers et dossiers couchés sur son bureau, en vrac pour la plupart et en vint à la conclusion qu’après avoir passé une grande partie de la nuit à rédiger des comptes-rendus sans queue ni tête ( en fait, il n’avait dormit qu’une heure, et seulement d’un œil ) il s’était de nouveau assoupit, aux alentours de deux heures… Il fallait bien avouer que le dossier dans lequel il s’était plongé était… A Holly shit, a fucking holly shit. Ennuyant à mourir, et totalement dénué d’intérêt.

- Well…

Il se leva en poussant un soupir profond, ceux dont il avait le secret, et renifla vaguement l’air avant de se diriger vers sa salle de bain. Il ouvrit le robinet qui laissa couler un filet d’eau tièdasse. La température était réglée sur « filet d’eau tiedasse » parce que Michael détestait recevoir sur les mains un crachin brutal d’eau glacé, et l’air laissait filtrer une légère odeur de menthe. Très légère.

- … Problème : Je me prendrais bien un sceau d’eau froide sur la gueule, et cette fucking odeur de menthe me donne envie de gerber.

Alors il se dit qu’aujourd’hui il allait parler particulièrement mal et faire la gueule. Il ne se sentait pas dans son assiette. Il réfléchit très vaguement avant de se souvenir brutalement qu’il avait reçu un message la veille de la part d’une certaine personne qu’il ne voulait surtout pas croiser, pour deux bonnes raisons : La première, et la meilleur, étant que s’il se retrouvait en face de lui, il était mort, la seconde par ce le type en question avait mit un prix sur sa tête. Et quel prix !

- Même moi ça me ferait plaisir de recevoir ça…

Qu’il en vienne à ce genre de pensées alors que lui-même roulait sur l’or signifiait qu’il risquait vraiment quelque chose. Bon, personne ne savait que Rei était sa filleule, à priori, mais elle n’avait pas l’air de l’aimer beaucoup, et combien d’étudiants malades dans cette pension rêveraient, s’ils savaient, de le dénoncer rapidement ? Il préférait ne pas y penser.

- Inutile de dire que je suis dans la merde. Grave même.

Il défroissa vaguement son jean troué et sa chemise blanche, avala ce que son estomac tolérait en cette journée psychologiquement difficile, et décida d’aller faire un tour. Visiter un peu ne pourrait que lui changer les idées, et il s’était promis de connaître l’endroit par cœur au cas où… Véga était un homme prévoyant.

L’air n’était pas froid mais vivifiant et il respira allégrement. Puis il empreinta un chemin au hasard. Il n’aimait pas vraiment l’endroit. C’était gris, c’était terne, ça manquait d’ouverture et de calme, ça manquait d’argent et de jeu, ça manquait de juge et de barreau, bref, ça manquait de tout ce qu’il aimait au naturel.

Au détour d’un bloc de bétons grisâtres, un gamin pas bien vieux lui rentra dedans avec une grâce qu’il jugea de totalement inexistante. Il regarda le gosse s’étaler à quelque pas et s’apprêta à ouvrir la bouche. Trop tard, le gamin se releva brutalement, lui flanqua un grand coup dans le tibia qui fut accueillit par un cris mêlé de stupeur et d’énervement, et partie sans plus de cérémonie, en courant plus vite que kirikou. Le gosse était frêle et n’avait pas frappé fort. Heureusement pour lui, parce que Véga devait être à peu près aussi rapide que lui, et aussi endurant. Et quand il était énervé, sa force gagnait en rigueur… Il était moins mou, en fait. Il se lança dans un long monologue totalement anglais dans lequel il jura plus qu’il ne philosopha, décrétant que les gamins de nos jours n’avaient plus aucun respect, mais qu’en même temps ici c’était normal, et que s’il recroisait ce gosse, le prochain endroit où il verrait sa bite serait en ouvrant un frigo, dans le bac à légume. Puis il grogna, tipa, et reprit sa route en se passant une main dans les cheveux.

Ses pas le menèrent jusqu’à la cour qui séparait le self du pensionnat. Il y avait fichu les pieds la vieille, de façon assez abstraite, mais n’en avait pas gardé un souvenir particulier. Ce n’était qu’une marre de béton qui séparait deux bâtiments qu’il qualifiait de moroses… Une fille, à en juger par sa carrure et son odeur, était étendue au milieu de cette marre, un capuchon rouge rabattue sur son visage de poupée, tel un petit oiseau exotique échoué… Inoffensive... Véga ricana pour lui-même. Elle sentait le sang et la douleur à dix kilomètres.

" Vous savez, je ne suis pas dangereuse ! Je n'ai même pas tué, juste abîmé ! " L’avocat la dévisagea de sa place sans faire mine de s’approcher davantage. Il s’était immobilisé, et limitait sa respiration pour empêcher les odeurs du self, irrespirables, de parvenir jusqu’à son système olfactif si sensible. Il sourit.

- Abîmer est bien pire !

Lança-il. Fort d’avoir pratiquer les deux, il en savait quelque chose… Quelle douce naïvetée flottait sur le visage de la fillette… Ho God, comme cela sentait l’hypocrisie… C’était pire que son ancienne femme de chambre qui lui souriait nerveusement… La vieille Bertha…

*What the F… *

« Enchantée ! »

Elle s’était jetée sur lui après que son air neutre eu disparut et elle semblait à présent toute guillerette. Il l’a dévisagea sans avoir l’air particulièrement troublé. Il faisait totalement abstraction de son geste. Véga n’était pas quelqu’un d’affectif, il n’en ressentait ni le besoin ni l’intérêt, mais il n’était pas facilement impressionnable non plus. Ce genre de comportement, avec quelqu’un d’aussi peu clair dans un milieux comme celui la ne le surprenait pas plus que ça. Il devinait vaguement qu’elle jouait plus ou moins un jeu, même s’il n’était pas certain de l’affirmer pour le moment, et encore moins de dire pourquoi elle ne se montrait pas sous son vrai jour…

Pourquoi Véga ne mettait pas de parfum ? Tout simplement parce qu’il finissait par en vomir. Trop longtemps, ces odeurs chamarrées de fleurs et autres trucs lui faisaient tourner la tête. Quand c’était sur d’autre, ça allait, et encore, il fallait que ce soit un parfum pacifique. Il avait pris l’habitude d’avoir systématiquement un mouchoir immaculé sur lui pour se protéger des odeurs trop entêtantes de la foule.

- Tu n’es sûrement pas The Little Riding Hood que le grand méchant loup va dévorer, so…

Il planta ses yeux dans les siens d’un regard un peu mystique. Le genre de regard qui vous transcende l’âme et vous mette mal à l’aise…

- Hum… Let me Think… You should be… Sharo ?

A son arrivée, on lui avait fourni une liste de tous les élèves répertoriés dans le pensionnat, il s’était fait une joie de les apprendre par cœur…

Inodore, incolore, invisible. Aucun trait marquant excepté peut-être sa fierté incandescente, qui brûlait au fond de ses yeux comme un leur malsaine. Quel sorte de mal ?